Sonder l’insondable
Par Alain Cloutier

Depuis les profondeurs insondables des temps les plus reculés me parviennent les échos de tumultueux affrontements barbares. Des cris, des pleurs, des hurlements me font frémir bien que, si j'ose m'exprimer ainsi sans paraître doué malancontreusement d'un sadisme prononcé, cette ambiance me fascine.

Pourquoi des choses si abjectes et immorales me fascinent, je ne saurais le dire; ce qui est sûr, c'est que je ressens une indescriptible attirence vers ce qui est macabre, funèbre ou morbide. Cela me vient peut-être de quelques ignobles expériences faites lors de ma jeunesse, ou d'un quelconque présage de désordre mental en mon esprit déjà fort troublé.

Tout au long de ma ténébreuse enfance, j'eu le sentiment que quelque chose de terrible et de boulversant allait se produire lorsque je serais prêt. Je crois que maintenant, je suis prêt...

Pendant ces longues et obscures années à ne pas être considéré par personne, à passer inaperçu dans un monde de supposée excellence qui se limitait, sans qu'ils n'en eurent pris conscience, au seul plan physique, je cultivai en silence mes sombres pouvoirs. J'ai exploré tous les recoins de mon cerveau supposément troublé, analysé chacun des évènements étranges qui ont fait bifurquer mon destin, précisant davantage à chaque fois l'horrible dessein auquel j'étais voué. En prenant du recul, chose qui m'est présentement donnée de faire couramment car les infantiles soucis de la vie physique ne m'importe plus autant qu'avant (en tenant compte des évènements qui ont eut lieu et de ma curiosoté inné, je dirais que c'est presque normal), je pourrais dire que tout ce qui m'est arrivé devais arriver, que ces faits inexplicables ponctuants ma jeunesse devaient se produire pour que la séquence soit complète, pour que mon destin s'accomplisse comme il se devait.

Je savais depuis l'inoubliable nuit du 13 octobre passé que tout se qui se passait autour de moi n'était absolument pas le fruit du hasard, mais une série pensée et contrôlée; par qui, ça, je l'ignore.

Depuis quelques temps, je sens que mon âme s'échappe de plus en plus souvent de mon corps, et ce, à mon insu. Cela, en soit, n'est pas désagréable mais les visions que j'ai à ces instants me troublent profondément. Les premières fois que mon corps subtil se détachait involontairement de mon corps physique, je ne comprenais pas vraiment ce qui m'arrivais, où cette mystérieuse force m'emmenait. Puis, petit à petit, je compris. Mon trouble croissait à chaque sortie, j'eus des visions que nul être humain n'a le droit d'avoir. Je franchis, lors de ces voyages, des barrières interdites à tous mortels. J'eus alors l'impression très nette que quelqu'un ou quelque chose se servait de moi pour accomplir de vils desseins. J'ai résistai du mieux que j'ai pu à de nouvelles tentatives de sorti, mais la puissance était beaucoup trop forte pour mon esprit, déjà fort affaiblie par des essais de compréhension d'un monde hors du commun et beaucoup supérieur au nôtre. J'appréhende l'avenir...


Septembre 1993