Aventures au McDo
Par Alain Cloutier

Jadis, naguère, il y a de cela fort longtemps, je travaillais dans une des grandes puissances de l'armée bactérienne de ce monde, McDonald's.

Cet empire du cannibalisme McCroquettois avait répondu par l'affirmative aux innombrables formalité en vue de devenir un de leur préposé agent double chargé de la supervision partielle du département de l'hygiènisterie commerciale dans le secteur de l'alimentation rapide et équilibrée de la société nord-américaine. En un mot, le vaste bureau à baie vitréeque suggère mon titre se limitait à un sceau d'eau jaune à roulettes et d'une serpillière (moppe, en langage commun). Le titre d'agent double m'avait été confié, non pas parce que j'étais chargé de la section "espionnage industrielle", mais plutôt parce que je m'occupais à la fois du plancher du restaurant (je sais que ce terme est généralement réservé à des endroits où on sert de la nourriture, mais je n'en trouvais pas d'autres) et des salles de bains.

En parlant de salles de bains, j'ai suggèré au gérant d'installer des douches pour les yeux (comme dans les lab de chimie) dans l'éventualité non-négligeable où un Bigmac cracherais sa bouillie vénéneuse au visage d'un client, ou encore dans le cas d'une frite/lama enragée. On ne joue pas avec la sécurité des clients. J'ai aussi suggéré d'enfermer les chaussons aux pommes dans des cages grillagées, mais la direction ne m'a pas écouté.

Je disais donc que je faisais le ménage chez McDo, et, pour ajouter à l'horreur, je travaillais de nuit (de 2h à 5h30), précisément à l'heure où la nourriture est la plus vorace. Je n'avais pas compris pourquoi, lors de mon training, on m'avais remis un fouet, un bouclier et une grenade lacrymogène. Ce fut plus tard que je compris pourquoi. Je vais maintenant vous raconter ma première vraie incursion, seul, dans la jungle inimaginable d'un de ces établissement qui rivaliserait sans peine avec le musée de cire des crimes les plus sanglants et ignobles depuis le 15e siécle".

J'avance tranquillement, à pas de loup, vers cette imposante masse noire qu'est mon nouveau lieu de travail. Je suis inquiet; tant de rumeurs et de légendes à propos de ce sinistre endroit n'ont pour effets que de me faire claquer les coudes ensembles. Je crains le pire, ou pire encore. Inconsciemment, je souhaite avoir oublié mes clés chez-moi; mais non. Comme pour me narguer, elles me regardent du fond de ma poche, une lueur de moquerie dans les yeux. J'ouvre la portes et avance de pleine joue dans l'enfer, une terreur sans prénom s'emparant de moi (la terreur en question aurais pu se nommer JP ou Max que mes yeux aurais claqués autant).

Soudain, des bruits attire mon attention, mettent mes sens en alerte. Marchant d'une oreille ferme, j'entends des petits pas et même des voix; mais pas des voix ordinaires, pas des voix d'humains. On aurait dit des voix de mouches.

Je tend le bras le long du mur, me remémorant l'emplacement de mes outils de travail, et j'allume les lumières d'un coup sec. Des dizaines de petits pas affolé se font entendre, de même que le bruit de portes d'armoires qu'on claquent.

Il faut que j'en ai le coeur net. J'éteins les lumières, me penche au-dessus du comptoir, en prenant soin de ne pas quitter l'interrupteur de la main et rallume brusquement en criant comme un damné ( je voulais essayer mon nouveau "cri-qui-tue"). J'ai la surprise de ma vie quand je vois une dizaine de Bigmac, une quarantaine de McCroquettes et des centaines de frites (ainsi que d'autres immondices que je n'ai pas le courage de nommer) courir vers les armoires, la peur dans les yeux. À mon grand plaisir, plusieurs McPoulets sont paralysé par mon fameux cri. Bien, je vais pouvoir les interroger. Je les ficellent solidement pour ne pas qu'ils se sauvent, trouve une lampe de poche et leur braque sur se que je suppose êre leur visage.

- Vous allez parler, ordure! (je n'ai jamais si bien dis!) Allez, tu vas cracher le morceau, dis? À cet instant même, le plus rebelle des cinq que j'ai capturé me crache au visage un espèce de substance de sa concoction, du style purée de ver de terre.

Empoignant mon fouet, je le fouette à la mayonnaise (que voulez-vous, il n'a pas de sang!) Les autres déournes le regard de cette scène aussi brutale que jouissive pour moi.

Alors mes salauds, c'est qui votre chef? Allez, répondez!

À cet instant, un énorme McDLT tout dégoulinant de salade et autre matière indescriptible (le lecteur intéressé par une description plus crue de ce colosse bardé de pucerons et de pickles sera servi dans la version pour adulte averti de ce fait vécu) sort d'une poubelle, me regarde d'un oeil visqueux et sadique et me cri, ou plutôt me grogne:

Allez minable, viens dehors, on va se battre d'homme à homme!

C'est plus fort que moi; j'élate d'un tonitruant rire qui les fais trembler jusque dans la moelle de leur "viande". En me tordant de rire, je pense avoir signé mon arrèt de mort quand j'entends d'autre petits rires. Je regarde et vois les frites et les chaussons aux cerises enlever leur masques.

Ah, on t'a bien eu, hein! dit la cuisse de poulet de chez Kentucky, son masque de frite à la main...


Octobre 1993