Contact intime
Par Alain Cloutier

Je sais; je devrais cesser de telles escapades. Mais le plaisir intense qu’elles procurent dépasse de loin les risques encourus. Cependant, jamais je n’aurais cru que les risques seraient si importants.

Ce soir encore, je suis accroupis dans cette clairière, à proximité d’un pâté de maison. Pieds nus sur l’herbe, le corps en sueur, les cheveux en broussaille, j’afficherai un bien curieux tableau à un visiteur nocturne. Les mains devant le visage, je me concentre. Les dix premières minutes : rien. Seulement les bruits de la clairière, le souffle du vent, la froideur de l’herbe sous mes pieds.

Puis, une image vaporeuse émerge en mon esprit. Une femme, probablement dans la trentaine. Un homme devant elle. Des sons, plutôt des cris. La femme pleure, le visage tuméfié. Je sens ma joue enfler et des larmes couler sur mes pieds nus. L’homme cris des insultes et part. La femme essaie de le retenir en vain. L’homme passe rapidement le pas de la porte et monte dans une voiture. Il démarre en trombe, écrasant les poubelles en passant. Mon cœur bat la chamade, ma respiration s’accélère. Une étrange sensation s’empare de moi, comme un étourdissement. L’homme a bu plus qu’hier. La chaussée réfléchie les phares des autres voitures. Le brouillard de la route se mêle à celui de son esprit. L’arbre surgit du néant. L’homme crie. J’essaie de couper le lien, en vain. Une douleur à la poitrine ; je suffoque. J’ouvre les yeux, voilés d’un liquide rouge ; tout s’efface. Je m’écroule.


Février 1997